Café-discussion du samedi 04 mars 2023 animé par Christophe GINET, Conseiller municipal de Lorient et Conseiller Communautaire de Lorient Agglomération, en charge de l’emploi, de la formation et de l’économie sociale et solidaire.
L’emploi sur le bassin lorientais
Un taux de chômage au plus bas
La bretagne est la région française qui a le taux de chômage le plus bas; au 3ème trimestre 2022, il atteignait 6% de la population active, en augmentation de 0,1%, quand il s’établit au niveau national à 7,3 %, en recul de 0,1 point.
Le taux de chômage à Lorient est actuellement de 6,3 % de la population active contre 7,4 % en 2021 à la même époque.
L’emploi sur le bassin de Lorient est donc plus dynamique que la moyenne avec un taux de chômage inférieur à celui de la France métropolitaine.
Historiquement, le niveau du chômage à Lorient est passé de 9,4 % en 2003 à 9,7 % en 2009 au plus fort de la crise économique. La zone économique et d’emploi de Lorient se classe 125e zone d’emploi ayant le plus faible taux de chômage.
Les employeurs du bassin lorientais se retrouvent donc en stress pour trouver des collaborateurs et, c’est nouveau, en position de devoir séduire. Ils doivent aujourd’hui se questionner sur les conditions de travail qu’ils offrent à leurs salariés, sur l’attractivité de leurs entreprises et de leurs métiers.
Le bassin d’emploi lorientais
Le bassin d’emploi lorientais qui inclut Quimperlé représente 100.000 actifs.
Le revenu médian y est de 21.780 euros, soit un salaire net moyen mensuel de 1800 euros.
Il est composé à 75% d’ouvriers, d’employés et de professions intermédiaires, à 15% de cadres, le reste étant composé de travailleurs non-salariés (travailleurs indépendants comme les chefs d’entreprise, les auto-entrepreneurs, les professions libérales…)
Une situation paradoxale avec des tensions sociales alors que le taux de chômage est au plus bas et le taux d’épargne au plus haut quand on n’a jamais vécu aussi longtemps en bonne santé.
Les mobilités comme frein à l’emploi
Sur le bassin lorientais, seul 1 actif sur 3 exerce sa profession sur sa commune de résidence. 80% des actifs utilisent leur voiture pour aller travailler et seulement 5% des actifs utilisent les transports en commun.
60% des personnes en recherche d’emploi recherchent dans un rayon de 30 mn autour de leur domicile.
Se pose alors sérieusement la question des mobilités comme pouvant être un frein à l’emploi.
Les personnes en recherche d’emploi n’acceptent pas de travail à plus de 15 km de chez elles; au-delà se posent les questions de pouvoir d’achat et de logement.
Il faut alors raisonner en terme de mobilité pour permettre aux gens de se déplacer.
La RN 165 étant chaque jours plus engorgée, Lorient Agglomération a engagé une réflexion sur la multi-modalité comme un TER à haute fréquence qui permettrait d’arriver à Lorient avec un dernier kilomètre qui se ferait à vélo.
Les discussions entre Lorient Agglomération et la SNCF ont commencé mais les décisions s’inscrivent dans le temps long et vont nécessiter de gros travaux.
Lorient Agglomération compte aujourd’hui 150 km de pistes cyclables qui relient les communes entre elles et de plus en plus de personnes les empruntent pour se rendre au travail. La volonté est d’en compter bientôt 560 km.
Faire revenir les chômeurs dans l’emploi
Taux d’emploi élevé, taux de chômage très faible, stress des employeurs qui ont du mal à trouver du personnel compétent et formé… et pourtant les organismes de formation peinent à faire le plein.
Il existe beaucoup d’outils et pour autant il est toujours difficile de trouver les profils recherchés.
Sur le territoire lorientais, 40% des chômeurs sont des chômeurs de longue durée et 45% des chômeurs inscrits à Pôle Emploi depuis plus d’un an ne retrouvent pas d’emploi. 37% d’entre eux sont bénéficiaires du RSA et 16% d’entre eux se trouvent dans les quartiers prioritaires.
60% des personnes en recherche d’emploi qui acceptent de suivre une formation retrouvent un emploi.
Sur les 12 derniers mois, les entreprises de notre bassin d’emploi continuent à recruter avec 12% d’embauches supplémentaires.
4700 offres d’emploi en CDI, 2000 offres en CDD et 2600 missions intérim sont aujourd’hui non pourvues dans l’industrie, le commerce, la santé, le social et la construction.
Pour y remédier, il faudrait notamment faire revenir les demandeurs d’emploi vers le travail : leur donner l’envie de se former et de travailler dans un univers qui n’est pas forcément le leur.
Un gros travail est fait par les services sociaux auprès des personnes les plus en difficulté et les plus éloignées de l’emploi.
Le CFA de Lorient dispense par exemple une formation qualifiante en poissonnerie, à des jeunes en alternance ou à des adultes en recherche de formations qualifiantes. Salaire de sortie : 2000€ nets mensuels et des emplois sont à pourvoir. Mais cette filière n’attire pas pour diverses raisons : les horaires, les conditions de travail dans le froid, domaine inconnu…
Il faut aller vers cette population chroniquement installée dans le chômage mais la tâche est ardue.
Face à ces difficultés, la ville de Lorient a fait le choix d’axer son action sur les enfants plutôt que sur ces personnes éloignées de l’emploi, parfois depuis plusieurs générations.
Quelle évolution pour l’emploi sur le territoire ?
En résumé, la situation de l’emploi sur le bassin lorientais est plutôt bonne : un taux de chômage très faible, un niveau de rémunération correct, un écosystème économique très diversifié tant en terme de secteur d’activité que de taille d’entreprises.
Mais des difficultés subsistent : sortie de la période Covid, forte d’inflation, guerre en Ukraine, défi environnemental très fort…
Accumulées les unes aux autres, ces difficultés ne se font pas encore sentir sur l’emploi, notamment grâce au plan de relance du gouvernement mis en place après la période Covid. Il était à craindre que les entreprises licencient, il n’en est rien. Elles ont résisté à la crise, les salariés ont été protégés, les consommateurs ont été au rendez-vous, l’Etat n’a jamais été aussi protecteur.
Mais paradoxalement aujourd’hui, la situation sociale se tend et les entreprises sont en stress : conflit ukrainien dont nul ne peut prévoir la fin, crise énergétique qui en découle et niveau d’inflation élevé font que nous sommes en période de risque.
La formation sur le bassin lorientais
Le Centre de Formation des Apprentis (CFA) lorientais : une exception
La formation est normalement une compétence régionale avec des financements régionaux.
Lorient a toutefois la spécificité d’avoir en son sein un CFA, Centre de Formation des Apprentis, géré par la ville.
Il a été créé en 1975, succédant aux Cours Professionnels Municipaux. Il compte aujourd’hui 45 enseignants salariés par la ville de Lorient et forme 450 jeunes sur 17 diplômes différents dans 6 secteurs d’activité, niveau CAP, BEP et bac Pro.
C’est un outil qui permet de répondre à des demandes nouvelles exprimées par les entreprises du territoire en besoin de formations.
La première question que l’équipe municipale s’est posée : l’offre de formation existante répond-elle vraiment aux besoins du territoire, aux entreprises, aux attentes des salariés?
Panorama de la formation sur le territoire
Le territoire lorientais recense 43 établissements et organismes de formation qui forment 5000 personnes chaque année.
Pas moins de 264 formations professionnelles différentes sont proposées sur plus 200 plateaux techniques différents dont 82 plateaux industriels.
Les effectifs de formation initiale étaient en progression de +8% entre 2014 et 2020.
Les secteurs concernés par la formation
L’industrie est le premier domaine d’activité en nombre de formations proposées et en effectifs formés.
La vocation maritime du territoire est forte avec 26 formations dédiées dont certaines très rares.
En revanche, certains domaines sont encore peu couverts : l’hôtellerie/restauration, l’agro-alimentaire, les métiers de bouche, le tourisme, la logistique, la propreté et le secteur banque/assurance; mais les choses évoluent.
Agora développe des offres nouvelles relatives aux métiers de bouche.
Le CFA de Lorient dispose d’un plateau technique cuisine professionnelle nettement sous-utilisé ( taux d’occupation de 10% seulement), jusque-là uniquement tourné vers l’offre « traiteur ». Il propose désormais une section CAP Cuisine : le besoin existe sur le territoire et les entreprises l’attendaient.
Entre 2013 et 2021, les formations accessibles par l’apprentissage ont été multipliées par 3,6 grâce à l’Etat qui l’a fortement revalorisé en le finançant largement. Un apprenti coûte peu à l’entreprise aujourd’hui mais cela nécessite une forte implication de leur part dans l’accompagnement et la formation au métier. Elles doivent intégrer l’apprentissage dans leur politique de recrutement et dans leur politique sociale
S’adapter aux besoins de formation
Sur le territoire lorientais, les formations professionnelles s’adaptent en permanence aux évolutions technologiques et aux besoins du marché du travail.
Cependant, devant la multitude des offres de formation, il faut accompagner les publics, notamment les chômeurs pour leur faire découvrir les formations les plus intéressantes pour eux.
Le rôle des Missions Locales, c’est le « aller-vers »: faire découvrir les métiers et informer.
Les formations sont de plus en plus accessibles à tous les publics grâce à la diversification des modalités d’accès : formation initiale, formation continue et alternance et il faut le faire savoir.
Le CFA de la ville de Lorient forme en poissonnerie, en maintenance automobile, en commerce, en électrotechnique, en pharmacie et en restauration.
Il existe d’autres formes de formation, notamment avec l’UBS qui ouvre une formation sur l’Ingérierie de l’hydrogène pour répondre aux futurs besoins du site de production d’hydrogène vert implanté sur la commune de Buléon qui alimentera en carburant une partie des bus du réseau de transport public de Lorient Agglomération et des deux bateaux qui assurent le trafic passager pour la traversée de la rade.
La difficulté des organismes de formation à recruter des stagiaires : un risque
Les organismes de formation sont eux aussi confrontés à des difficultés de recrutement, principalement sur la formation continue dans l’industrie, le bâtiment et l’hôtellerie-restauration.
Ils proposent de belles offres de formation, disposent de beaux outils, ont les employeurs et les formateurs mais manquent d’apprenants et ne remplissent pas leurs classes.
Les organismes ont joué le jeu en terme de service public mais beaucoup se retrouvent malheureusement en difficultés financières : à moins de 10 stagiaires, ils perdent de l’argent.
Et face à la baisse attendue des budgets alloués à la formation professionnelle, beaucoup d’entre eux renonceront à dispenser les formations si elles attirent moins de 10 stagiaires.
Certaines formations risquent alors de disparaître ou exister en nombre insuffisant par rapport aux besoins et cela va mettre en difficulté les employeurs qui recherchent du personnel formé.
Se pose aussi la question des employeurs qui utilisent les apprentis ou les alternants comme de la main d’œuvre bon marché, sans accompagnement ni valeur ajoutée et qui sont cause d’abandon.
D’où la nécessité de travailler avec les branches pour trouver des employeurs qui ont une vraie démarche de qualité pour limiter le risque de ruptures de contrat.
L’Economie Sociale et Solidaire (ESS) pour lutter contre l’extrême pauvreté
Le concept désigne un ensemble d’entreprises (associations, fondations, coopératives, mutuelles) dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d’utilité sociale.
Dès la campagne électorale, Fabrice Loher et son équipe se sont intéressés à ce nouveau concept, persuadés qu’il allait prendre une place de plus en plus importante dans l’économie face au défi environnemental.
Ils avaient alors rencontré l’association C2SOL (Collectif Social et Solidaire) créée par un collectif d’acteurs (associations, fondations mutuelles, coopératives) et qui souhaitaient développer les valeurs de l’ESS sur le pays de Lorient mais qui avaient peu de moyens à l’époque pour se développer.
Aujourd’hui, c’est près de 80 000€ que Lorient Agglomération et la ville de Lorient allouent à C2SOL pour mener à bien leurs projets, en collaboration avec la fondation Break Poverty qui travaille sur l’extrême pauvreté et aide les territoires dans leurs réflexions.
Une réflexion commune avec Break Poverty
Break Poverty apporte une méthode pour aider l’Economie Sociale et Solidaire à répondre aux problématiques de l’extrême pauvreté sur le territoire.
Ils sélectionnent et financent des programmes à fort potentiel qui œuvrent pour apporter des solutions innovantes contre la pauvreté.
Le territoire lorientais compte de nombreuses personnes installées dans le chômage parfois depuis plusieurs générations et souvent allocataires du RSA; si on ne fait rien, leurs enfants et leurs petits enfants connaîtront la même situation car ils n’auront rien connu d’autre.
Travailler avec Break Poverty, c’est agir en priorité sur 3 domaines : le soutien à la petite enfance et à la parentalité, la prévention du décrochage scolaire et l’insertion professionnelle en favorisant l’accès au 1er emploi.
Avec Break Poverty, C2SOL a analysé les causes de la pauvreté sur le territoire, a étudié les projets qui existaient déjà et a identifié les projets qui manquaient.
Le constat sur l’agglomération de Lorient : la situation de précarité des jeunes dans certains quartiers prioritaires est préoccupante.
Le taux de pauvreté y est de 32 % contre 23 % au niveau national.
Près de 2 000 jeunes sont en difficulté : 292 enfants au sein de familles monoparentales précarisées, 1 021 jeunes à risque de décrochage scolaire, 589 jeunes « NEET » (ni en études, ni en emploi, ni en formation).
Les 7 projets retenus
Pour la plupart, ces projets existaient déjà mais n’avaient pas les ressources financières suffisantes.
Une vingtaine ont été proposés, seuls 7 ont été retenus autour de 3 grands objectifs :
Les projets du Patronage Laïque de Lorient, de Gepetto et de Défis dans le soutien à la petite enfance et à la parentalité;
Les projets de Energie Jeunes et du Centre social Polygone Frébault pour favoriser la persévérance scolaire;
Les projets de Horizon Mixité et de Optim’ism pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes.
Argent public et fonds privés : un financement mixte
Sur 2023, 100 000€ de dons qui ont été collectés en plus des 12 500€ de financement public. Ils vont permettre de financer au moins 5 des 7 projets.
Les dons se font à travers la DAT (Dotation d’Action Territoriale), allocation volontaire d’une entreprise pouvant aller jusqu’à 2% de son résultat net et affectée à des projets de lutte contre la pauvreté des jeunes sur son territoire.
L’entreprise s’engage alors à soutenir un ou plusieurs projets locaux de son choix pendant 3 ans.
Les projets en développement :
Le portail Emploi-Formation : une priorité
Il permettra aux employeurs de présenter leur métier à des jeunes, et aux jeunes de découvrir les employeurs qui sont prêts à les accueillir en stage ou en alternance.
Il permettra aux acteurs de coordonner leurs actions (salons, forums emploi…)
Le service civique à la ville de Lorient
La ville de Lorient est passée de 1 jeune accueilli par an à 12 aujourd’hui.
Ce sont des missions de 9 mois accompagnées par le service jeunesse de la ville. Les jeunes sont tutorés par un salarié de la Ville qui sera son parrain durant ces 9 mois
Les clauses d’insertion sociale
Elles consistent à réserver une partie des heures de travail générées par un marché de travaux ou de services à des personnes éloignées de l’emploi (jeunes peu ou pas qualifiés, demandeurs d’emploi de longue durée, travailleurs handicapés…). Leur vocation est d’accompagner au retour à l’emploi des personnes qui en sont éloignées.
Elles ont donc pour objectif de proposer aux chômeurs de longue durée des quartiers où ont lieu de grands travaux d’être intégrés aux équipes des entreprises intervenant sur ces travaux afin d’en découvrir les métiers, d’y être formé et peut-être même être embauchés par la suite.
Kart’Emploi
C’est un dispositif piloté par la Mission Locale du Pays de Lorient, la Ville de Lorient et le Centre des Jeunes Dirigeants, soutenu par l’Union Européenne et financé à hauteur de 20 000€ par an par la ville de Lorient.
Il s’agit d’un réseau d’entrepreneurs lorientais destiné à accompagner vers l’emploi les jeunes des quartiers prioritaires par un parrainage bénévole : faire découvrir l’entreprise, ouvrir son carnet d’adresse, orienter.
Son objectif : faire changer les représentations que les jeunes se font du le monde de l’entreprise, mais aussi les a priori que les entreprises peuvent avoir sur les jeunes.
Les entreprises s’engagent à participer à des temps d’échanges avec les jeunes, proposer des visites d’entreprises, accueillir en stage, parrainer des jeunes et favoriser le recrutement des jeunes.
Les jeunes sont coachés par une professionnelle dédiée au dispositif et se voient proposer des parcours d’accès à l’emploi innovants, conçus par les entreprises.